[Interview] Muddy Monk @ Pitchfork Music Festival Paris

Esthète suisse à la sensibilité décuplée, Muddy Monk a débarqué sans prévenir et nous a embarqué avec lui à l’arrière de sa moto, à la traversée des mondes entre mélancolie et douce ivresse.

C’est après avoir partagé des featurings avec la nouvelle vague d’artistes français qui comptent (Myth Syzer, Ichon, Bonnie Banane) que Muddy Monk – Guillaume de son vrai nom – s’est lancé dans la grande aventure de la scène en solitaire. Après les EP « Ipanema » et « Première Ride », son premier LP, « Longue Ride », est une longue balade où l’on se réfugie dans les douces paroles de Muddy Monk comme dans un cocon de liberté. Après s’être produit sur plusieurs scènes parisiennes, Muddy Monk se retrouve au Pitchfork Festival, ce samedi 3 novembre, là où il a délivré un concert dans une ambiance aussi mystique qu’intime : seul avec ses machines, sa veste de motard, entouré par une épaisse brume et sublimé par de la végétation et des lumières presque irréelles. On a eu le temps de le croiser furtivement et de lui poser quelques questions.

 

Kiblind : Salut Guillaume, tu t’es d’abord fait connaitre en France grâce à tes featurings. Est-ce que la scène française et la France en général, c’est quelque chose qui t’attirais ?

Muddy Monk : il y avait pas de calculs dans les featurings en tout cas, c’est clair. Mais c’est sûr qu’en Suisse il n’y a pas une énorme scène de chanson française. A l’époque en France, il n’y avait pas grand chose non plus. Maintenant, ça devient beaucoup plus présent. Mais oui la France c’était beaucoup plus attirant au niveau musical.

Kiblind : de quel genre d’artistes te sens-tu proche en France, mis à part les artistes avec qui tu as déjà collaboré (Ichon, Bonnie Banane, Myth Syzer) ?

Muddy Monk : hmm dans la même veine en France, je saurais pas dire comme ça. Mais au moment où j’ai commencé, j’avais comme grosse influence en production et en chant Sébastien Tellier. C’est vraiment lui qui m’a apporté la validation sur le fait de chanter en français.

Kiblind : ton premier featuring a été celui avec Ichon, comment avez-vous été mis en contact ?

Muddy Monk : jusqu’ici, j’ai envoyé chaque projet que je faisais aux personnes que je validais dans la scène musicale actuelle, via les réseaux sociaux. Mon but était juste d’avoir un retour sur ma musique. C’est ce que j’ai fais pour ce projet là, je l’ai envoyé à Ichon entre autres et il m’a demandé si on pouvait faire des choses ensemble. Donc je lui ai demandé de venir sur mon premier EP Ipanema parce que j’avais besoin de compléter mon projet pour qu’il soit plus riche.

Kiblind : tu parlais de la scène musicale suisse, comment s’est passé ton intégration dans celle-ci au début ?

Muddy Monk : il y a beaucoup de groupes et beaucoup de gens très intéressés par la musique en Suisse contrairement à ce qu’on pourrait penser. Il y a des groupes de qualité, après, ça ne s’exporte pas du tout. C’est assez compliqué en fait mais actuellement, ça bouge de fou à Genève avec le crew de Di-Meh etc. Mais les concerts, moi j’en fais que depuis un an et demi. Le premier que j’ai fait était en France au Trianon, c’était la première partie de Papooz. A la base, je n’étais pas très intéressée par le live mais il y a des opportunités qui permettent de se reposer la question.

Kiblind : on a pas de mal à imaginer que tu puisses prendre beaucoup plus de plaisir pendant la phase d’enregistrement.

Muddy Monk : oui, moi, j’adore expérimenter et passer du temps sur du bricolage musical. Je ne suis pas vraiment fait pour le live à la base. Mais le fait qu’il y ait la voix, qu’il y ait du chant et l’émotion du live aussi, ça change la donne. 

Kiblind : quelle est ta configuration en live d’ailleurs ?

Muddy Monk : c’est très simple et très sobre, j’ai un clavier sur lequel je fais des solos et des mélodies et j’ai ma voix avec des effets ainsi que mon piste par piste. Je bosse avec une ingé son qui traite tout ça en façade pour retrouver la meilleure sensation. C’était un exercice pas facile.

Kiblind : Muddy Monk est un projet complètement solo, penses-tu que ça puisse évoluer vers une formule avec des musiciens à un moment donné ?

Muddy Monk : je ne suis pas fermé à ça. Avant, je bossais avec un ami qui faisait les claviers pour le projet en live. Après, je fais une musique de studio, introspective et très séquencée. Du coup, ça n’a pas vraiment de sens d’y ajouter des musiciens pour l’instant.

Kiblind : comment est-ce que tu as procédé pour la composition de « Longue Ride », ton premier LP qui vient de sortir ?

Muddy Monk : en principe, je commence toujours à créer la partie instrumentale : une boucle toute simple. Ensuite, à partir de là, je vais trouver une mélodie de voix, écrire un texte puis faire un arrangement autour de ça, toujours en restant assez simple pour que je puisse bien maitriser tout. Les thématiques, je les ai toujours en tête. Elles sont souvent très cohérentes.

Kiblind : et pour la production ensuite ?

Muddy Monk : tout à domicile. Je fais tout, le mix etc. Je vais chez un ami qui a quelques éléments pour le mastering et on le fait ensemble. C’est pas parfait mais au moins, c’est ce que je veux.

Kiblind : avec quelles machines as-tu l’habitude de travailler ?

Muddy Monk : J’ai gardé de ma période hip hop ma MPC, qui est un sampler. Ca peut être remplacé par des ordis aujourd’hui mais je garde ça pour garder une certaine simplicité. Il y a peu de possibilités, du coup, ça permet de garder un cadre et de ne pas se perdre. Ca, c’est vraiment ma base. Ensuite, j’y ajoute plein de machines mais avec toujours un set up assez simple finalement.

Kiblind : tu utilises beaucoup le synthé, comment y es-tu venu, y avait-il des sortes de maitres en la matière qui t’ont donné envie de t’y mettre ?

Muddy Monk : je suis très attaché à la musique électronique, à la synthwave etc. J’ai découvert assez vite Mitch Murder, Tellier, les Daft Punk, toutes ces belles productions… J’avais jamais eu de synthé. Un jour, j’en ai acheté un vrai d’occasion et là, j’ai compris en plaquant un accord qu’il y avait matière.

Kiblind : le thème de la ride et des motos est récurrent depuis ton dernier EP, Premier Ride. D’où te viens ce fétichisme pour les grosses cylindrées ?

Muddy Monk : à un moment, j’ai voulu m’acheter une moto. Des questions se sont posées à ce moment là : est-ce que c’est une prise de risque, est-ce que c’est dangereux, est-ce qu’il faut le faire etc. C’était une période assez charnière de passer de « faisons attention, soyons prudents », à « ça rend triste d’être trop prudent et d’être dans la peur, prenons des risques ». 

Kiblind : qui est l’artiste ultime à écouter quand tu rides en ce moment ?

Muddy Monk : là, ces derniers temps, c’est Julia Holter. Et depuis longtemps en plus.

Kiblind : tu as réalisé ton premier clip il y a peu, peux-tu nous en parler pour conclure cette interview ?

Muddy Monk : j’ai déjà sorti un clip pour un morceau que j’ai réalisé avec un ami, « L’aventura ». Il filmait du skate à la base, c’était ma toute première expérience. Après coup, vu que j’ai été sur des labels, j’ai eu l’opportunité d’aller chercher des budgets pour faire des clips plus ambitieux. Donc on s’était associés avec un réalisateur pour un clip qui s’appelle « L’Ocean ». J’étais content du résultat mais j’avais envie de vraiment tenir les ficelles comme je l’avais fait pour « L’aventura ». Donc pour « Baby », j’avais ma propre idée, quelque chose de très simple que je pouvais réaliser de A à Z, comme je le fais pour ma musique. C’était vraiment une bonne expérience où j’ai été aidé par Léo Schrepel.

© Marie Mohanna – Kiblind Live – Pitchfork Music Festival

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