[Artiste de la semaine] Caroline Péron

Toutes les semaines ou presque, nous nous faisons tous petits devant l’œuvre d’un artiste que nous aimons fort. Cette semaine, il s’agit de l’illustratrice Caroline Péron.

Caroline Péron fait dans le dessin instinctif. De ses yeux à ses crayons le mouvement est naturel et participe de l’évidence d’une vie dédiée à la beauté des choses. Car le monde qui se déploie devant elle est le réservoir de milles joliesses qu’elle parvient à capter simplement, avec l’aisance des surdoués. Par petites touches et à l’aide d’une palette riche en couleurs chaudes, elle parvient à rendre aux après-midis ensoleillés, aux voyages en train ou aux baignades, la magie originelle. Elle nous, tout simpelement, que malgré tout, la vie n’est pas si mal.

© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron
© Caroline Péron

 

 

Kiblind : Comment es-tu venue à l’illustration ?

Caroline Péron : J’ai toujours adoré dessiner. J’ai commencé petite pendant mes temps libres. Et puis quand le choix de mes études supérieures s’est posé, j’ai voulu faire une école d’art pour approfondir le dessin. Je ne pensais pas spécifiquement à l’illustration. Je voulais juste dessiner, apprendre les techniques, m’amuser. Quand je suis arrivée dans la section « image imprimée » aux Arts Décoratifs (de Paris, ndlr), certains de mes professeurs m’ont montrée ce vers quoi le dessin pouvait tendre ; l’illustration. Mais quand je dessine, je pense davantage « dessin » que « illustration ».

 

Kiblind : Pourquoi utiliser les crayons de couleur ? Qu’est-ce qu’ils t’apportent ?

Caroline Péron : Avant d’arriver aux Arts Décoratifs, je faisais essentiellement des dessins en noir et blanc à la mine graphite. Jusque là, j’avais toujours dessiné au crayon et je commençais à sentir le besoin de m’exprimer par la couleur. Alors tout naturellement, j’ai choisi des crayons de couleurs ! Parce qu’ils restaient proches de mon outil d’origine…Ce que j’adore avec mes crayons c’est qu’ils se mélangent. Dessiner devient comme peindre. Je superpose les couches et je découvre alors de nouvelles couleurs. Grâce à eux, j’ai pu comprendre la lumière et les ombres. Qu’une ombre peut être bleue, qu’une lumière peut être orange ou jaune… C’est fascinant ! Ils apportent aussi beaucoup de vibrations et de mouvement au dessin, ce que je recherche à tout prix.

 

Kiblind : À l’inverse, qu’est ce que permet le numérique que ne permettent pas les crayons de couleur ?

Caroline Péron : Le numérique est un outil très pratique. Quand je construis mes images par couche, je me rends plus vite compte de l’agencement des couleurs. Je peux faire des essais de matières, adapter la luminosité, la typographie s’il y en a… D’une certaine façon, c’est plus rapide de faire une image en numérique qu’au crayon de couleur. Je peux faire plusieurs essais pour une même image, recadrer, effacer, reprendre. Quand une image au crayon de couleur ne fonctionne pas, il faut tout recommencer… Avec le numérique, je peux m’adapter. En revanche, je ne pense pas que j’y prendrais autant de plaisir sans une connaissance préalable de la couleur. Le numérique est un super outil…mais passer par le dessin est pour moi inévitable. Et puis, quoi de mieux qu’un dessin réalisé au soleil… ?

 

Kiblind : Tu dessines beaucoup en plein air, sur le moment : qu’est ce que t’apporte cet exercice ?

Caroline Péron : Je préfère dessiner en plein air. Auparavant, je dessinais à partir de photographies. J’appréciais savoir au préalable quel serait le cadre de mon dessin. L’image que j’allais représenter, était en quelque sorte déjà définie, et il ne me restait plus qu’à user de mes techniques pour la reproduire. En revanche, quand je suis dehors, dans un jardin, entourée d’une poignée d’amis, les traits me viennent plus naturellement. Les détails sont ici, face à moi, et je peux choisir de m’en approcher ou m’en éloigner. Je peux aussi adapter mon cadre. Si je me trouve face à une rangée d’arbres qui borde le long d’un parc, je peux choisir de m’intéresser à ces trois arbres-ci plutôt que ces trois buissons-là. Je peux aussi choisir de tout dessiner dans l’espace de ma feuille et de venir ensuite la découper pour ne choisir enfin que la composition qui m’apparait la plus intéressante et la plus sincère. Lorsque je dessine dans mes petits carnets, j’ai pour habitude de tracer au préalable un cadre, dans lequel je choisis d’insérer les éléments. La composition devient une question du choix. Choisir de montrer cette branche, plutôt qu’une autre. D’intégrer ce bâtiment ou pas. Le cadre, est un peu comme un focus cinématographique. Comme si mes yeux étaient dotés d’une caméra interne qui faisait des points de vue et me les proposaient tour-à-tour, jusqu’à ce que je dise « Oui, stop, c’est parfait. » 
Les gens qui m’entourent m’inspirent. Ils disent parfois des choses drôles, surprenantes ou très banales. Et j’aime retranscrire ces discussions et ces ambiances là dans mes dessins.

Cet exercice est très stimulant. Il y a un rapport au temps qui passe. Parfois, je suis tranquillement installée dans un lieu et soudain la lumière change. Sa façon de se poser sur les éléments m’inspire. Sa couleur me surprend. Elle révèle des formes, des contrastes, des volumes et là je me dis « je dois dessiner ça ».Il y a une espèce d’adrénaline à dessiner dehors. Vais-je être capable de capter cette expression de regard ? Cette lumière ? Cette atmosphère qui bientôt va changer ? Mes amis me connaissent et jouent le jeu de ne pas changer de position trop brutalement. Quand je sens que la ligne est juste, et que je n’ai absolument pas envie de l’échouer, je leur demande de ne surtout pas bouger ! Je ressens une grande satisfaction à dessiner le réel. Je ressens souvent un sentiment de bien être et de détente associé à ce travail… C’est un peu ma façon de libérer mon énergie.

 

Kiblind : Quels sont les artistes, actuels ou non que tu admires ?

Caroline Péron : Je suis très inspirée par le travail des impressionnistes. Leur façon de rendre avec simplicité les couleurs et les formes d’un paysage, d’une terrasse au soleil, d’un visage à l’ombre est bluffant. J’aime les couleurs chaudes, chaleureuses. Elles m’invitent à rentrer dans un univers ; une fin d’après-midi, un déjeuner dans l’herbe, un café après un repas… Tout est associé au plaisir finalement !J’adore le peintre Bonnard, Monet, Gauguin. J’aime beaucoup quand Edgar Degas ajoute des touches au pastel sur ses peintures. J’admire les couleurs et la simplicité des lignes de Matisse et le geste de David Hockney dans ses dessins au crayon.

Et puis d’un point de vue plus contemporain, j’aime beaucoup les dessins à l’encre de Edmond Baudoin. Sa ligne mi tremblante, mi fine, mi épaisse me fait vibrer ! Les aquarelles de Jérémie Moreau dans le livre La Saga de Grimr, les peintures et les dessins de Paul Cox. J’admire le dessin de Xavier Coste dans sa bande dessinée La Rivière. La façon dont la couleur est déposée sous le trait noir m’inspire. Et puis il y en a pleins d’autres !Quels jeunes artistes nous conseilles-tu de suivre ?J’adore les dessins de Mari Kanstad Johnsen. Quand je dessine, j’aime sentir mon poignet libéré dansant avec le papier. Quand la mine glisse, sans accroc. Et je vois cela dans les dessins de Mari. J’aime la gamme colorée de Magali Brueder. Les textures et le trait de Simon Roussin. Les petits dessin naïfs et colorés de Charlotte Ager.

 

Kiblind : Sur quels projets travailles-tu ?

Caroline Péron : En ce moment, je travaille sur l’écriture de mon mémoire. Je parle d’un regard croisé entre ma pratique du dessin et celle de la danse, que j’ai pratiqué pendant près de quinze ans. C’est très intéressant, j’en apprends beaucoup sur la danse, le mouvement, la ligne, le corps. Une fois qu’il sera terminé, je travaillerai à la conception d’un roman graphique qui raconte l’histoire d’un enfant qui s’ennuie en vacances et se perd dans les univers de ses promenades… Je travaillerai aussi à la création d’une exposition collective avec mon amie peintre des Beaux-Arts Marguerite Piard. Et encore pleins de projets qui murissent dans mon esprit… À suivre !

 

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