[Interview] Les 7 ans de Petit Bain

La péniche Le Petit Bain, à Paris, démontre que l’ambition artistique n’est pas totalement vouée à l’echec. Placée sur les quais du 13e arrondissement, non loin de la Bibliothèque Nationale de France, elle veille scrupuleusement à offrir à son public des propositions artistiques multiples, ouvertes et de qualité toujours. Un joyeux anniversaire à elle, et un gros merci.

Paris n’est pas seulement la capitale du XIXe siècle chère à certains philosophes allemands. Elle se débrouille encore pas trop mal au XXIe siècle. Pour cela, elle peut dire merci à certains de ses habitants, de ses passionnés qui font vivre les lieux qui la font vivre. Dieu sait si Petit Bain fait partie de ces salles emblématiques de la vivacité artistique parisienne avec ses perpétuelles digressions, ses tours et détours et ses envies tentaculaires. Petit Bain fête ses sept ans du 5 au 7.07, ce qui méritait bien une petite interview, en compagnie du programmateur associé, Johannes Bourdon.

 

Kiblind : Pourrais-tu essayer de définir la ligne artistique de Petit Bain ?

Johannes Bourdon : Difficile question, beaucoup s’y sont cassés les dents, et c’est bien ce qui fait la force du lieu et même parfois un joyeux bordel (avec 4 espaces exploitables, on se retrouve parfois avec un concert de black metal et un atelier ukulélé en même temps).

Par rapport à l’un de ses programmateurs historiques, Nicolas Cuinier, il y a une forte tendance à l’indie pop-rock sous toutes ses formes et déclinaisons, mais à laquelle se rajoute beaucoup d’autres esthétiques, dû à l’intervention de plusieurs programmateurs par le passé et maintenant d’un comité en charge de la programmation où se sont développés de nombreuses sensibilités, de la world au hip-hop en passant par le metal.

Pour ma part je conçois plus la programmation par projet qu’en terme vraiment d’esthétique, par rapport à ce que les artistes ont à nous dire ou comment ils nous touchent, la manière dont ils interrogent le monde ou nous-mêmes, s’il y a un vrai point de vue, une vrai proposition artistique, radicale ou intime, ce qui rejoint bien ce qu’on essaie de faire ici, avec esthétiques fortes & innovantes, et surtout beaucoup de découvertes, du défrichage.

C’est aussi important de sortir des formats étriqués du monde des concerts ou du clubbing, en proposant par exemple des lives rock en club, du hors les murs etc., tout cela reste encore à décloisonner je trouve, bien qu’on retrouve de plus en plus ce type de formats.

Il ne faut pas oublier également tout ce qu’on fait hors programmation musique : Jeune public, ateliers, actions culturelles…

Kiblind : Pourquoi avoir fait le choix de mêler non seulement les disciplines artistiques, mais aussi les champs d’activités avec de la restauration, de la réinsertion, etc.

JB : C’est une question qui finalement résume bien le projet Petit Bain et l’ensemble de nos activités, à la croisée des chemins entre projet artistique, vision sociale et indépendance économique. Cela a plus été une évidence qu’un choix. C’est dans notre ADN de considérer la culture comme s’inscrivant dans un territoire, une époque, un contexte. On a donc tenté d’imaginer ce lieu hybride du 21e siècle, capable de faire découvrir des talents de tous horizons mais aussi d’offrir une formation ou un emploi à des personnes dans la panade. Pour soutenir ces choix affirmés, il nous semblait indispensable de rechercher une forme d’indépendance économique, notamment avec le bar-restaurant et l’exploitation estivale (sur la Baie (terrasse à quai et le Rooftop), ce qui n’empêche pas d’y proposer aussi de bonne choses… parce qu’on adore manger !

 

Kiblind : Vous avez l’air d’avoir également un rapport particulier avec les arts visuels, en travaillant avec des graphistes et illustrateurs au travail marquant mais aussi grâce au festival How To Love. Pourquoi cet attrait ?

JB : Je pense que c’est lié au passif de notre directeur, ancien illustrateur, et aussi l ‘agence Studioburo avec qui nous travaillons, véritable dénicheur de talent en illustration, et plus globalement d’une envie commune au sein de l’équipe qui nous amène à collaborer avec de nombreux artistes, à travers le festival How To Love (Matthias Lehmann, Ludovic Debeurme, Serge Clerc) mais aussi juste pour nos affiches de concerts (Michael Sallit, Elzo Durt, Iam Sailor).

Personnellement sur certains dates, le graphiste/illustrateur est aussi important que le line-up !
Pour revenir à la question, je pense que c’est une volonté de Petit Bain d’exister au-delà du concert, avec véritable espace d’expression. On « accueille » également chaque mois dans notre programme un strip de l’iconoclaste David Snug.
Pour reparler de transversalité, c’est accueillir autant de public que de sensibilités différentes, par des portes d’entrées qui peuvent sembler éloignées à la base, mais au final peuvent converger.

Kiblind :  Les salles parisiennes ont pas mal souffert l’an passé avec plusieurs fermetures et menaces et on sait que pour vous, en plus, les crues de la seine ne vous ont pas aidé. Ça va ?

JB : Oui, ça va, merci de demander !

En effet, nous avons quelques soucis en début d’années, pas uniquement liés à la crue, et de manière générale ces fermetures sont inquiétantes (on est bien sur solidaires du Pop In, de La Méca, etc.), j’avais pourtant l’impression qu’on avait dépassé le sempiternelle « Paris Ville Musée » mais on observe depuis peu un véritable retour de bâton répressif, après qu’on nous ait vanté la renaissance de la vie nocturne à Paris (les institutions comprises) pendant des années, avec l’arrivée de nombreuses clubs et collectifs. Je me demande si on arrive pas à la fin d’un âge d’or, ou une mauvaise gueule de bois. Mais heureusement les alternatives existent encore, mais souvent hors intramuros.

Pour revenir à la crue, ça a été super compliqué, financièrement bien sur, mais surtout moralement, on essayait d’avancer sur la programmation sans savoir si on allait réouvrir (on a été bloqué quasi un mois), heureusement on a eu plein de soutiens (salle, pros, médias, amis), rien n’a été rien annulé ou presque (quasi 17 événements déplacés !) et la plupart des événements on très bien marché ! On même fait complet deux fois le Trabendo, donc bizarrement c’était très dur mais on a plein de bons souvenirs 🙂

Kiblind : Quels sont, pour toi, les souvenirs marquants de ces sept dernières années ?

JB : Oula, il y’en a trop, des moments drôles, d’autres moins, mais je reste assez fier d’avoir pu réunir sur la même affiche en 2014, pour la seconde édition de nos soirées Labo Pop, Grand Blanc et Flavien Berger, vu leurs carrières respectives par la suite. Autrement un slam de notre directeur pendant notre anniversaire l’année dernière 🙂

 

Kiblind :  Comment avez-vous construit cette anniversaire ?

JB : C’est une période assez compliquée, notamment avec les festivals qui font monter le cachet des groupes et ont des exclus énormes, il a fallu jauger avec tout ça mais heureux d’avoir 3 jours qui nous ressemblent, avec les amis de toujours Ropoporose et leur créa (inédite en france) avec les Belges de BRNS, le groupe Bon Voyage Organisation dont la musique me parait une somme de ce qu’on essaie de développer à Petit Bain, un pied dans la pop l’autre vers d’autres horizons et continents et enfin l’apothéose avec le club Queer Kindergarten, avec qui nous travaillons depuis 1 ans, et avec qui on s’entend particulièrement bien, que ce soit soit au niveau des valeurs que dans leur vision du clubbing.

 

Kiblind : Qu’est-ce qu’il faut espérer pour la suite ?

JB : Que la prochaine crue soit en 2078 et plein de super nouveaux projets !

 

© Michael Sallit

 

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